mercredi 16 novembre 2011

On causera de gouvernement aux Rencontres de Cannes les 2,3 & 4 décembre 2011


LES RENCONTRES DE CANNES — les 2, 3, & 4 décembre 2011
Espace Miramar (Cannes)

2012 Pour faire quoi ? Comment ?

Avec David ABIKER - Leili ANVAR - Philippe ASKENAZY - Karol BEFFA - Olivier BISCAYE - Alain CABRAS - Roland CAYROL - Jean-Marc DANIEL - Eric DE MONTGOLFIER - Emery DOLIGÉ - Frédéric FERNEY - Philippe FREMEAUX - Yvan GASTAUT - Franz-Olivier GIESBERT - Jean-François KAHN - Benjamin LANCAR - Gérard LECLERC - François LENGLET - Elisabeth LÉVY - Jean-François MATTÉI - Nordine NABILI - Bernard PERRET - Pierre-Henri TAVOILLOT - Benoit THIEULIN.








Programme sur 

www.rencontresdecannes.fr et l'application I'Phone I'Pad App Store RDC
Débats à suivre en direct sur  www.france3cotedazur.fr

Un coup d’Etat des marchés ?


C’est le nouveau concept à la mode : le coup d’Etat des marchés ! Constatant les démissions en chaîne à la tête des gouvernements dans un contexte de crise, on en déduit que ce sont les marchés qui imposent désormais leur volonté au peuple. Et, il suffit de remarquer, en outre, que les nouveaux dirigeants sont, pour certains d’entre eux, des anciens de Goldman Sachs, pour en tirer les conséquences … évidentes : la ploutocratie mondiale a définitivement vaincu la démocratie nationale. Les « 200 familles » ne sont plus « bien de chez nous », mais dans un espace indéterminé, ressemblant à l’Olympe manipulateur des héros de l’Iliade.
            Face à cette lecture simpl(ist)e et efficace, qui est en train de tourner en boucle, il faut opposer au moins trois arguments.
            1) D’abord, il ne s’agit nulle part de « coups d’Etat » : les changements se font en conformité avec les règles constitutionnelles de chacun des pays. A aucun moment le processus de la démocratie représentative n’a été transgressé.
            2) Ensuite, avant même de voir la main des marchés, il faut noter que ces gouvernements ont sauté d’abord et avant pour ne pas avoir su apporter des réponses satisfaisantes à une crise qui est à la fois politique, budgétaire et économique. Certes, on reproche aux « marchés » et aux « maîtres franco-allemands de l’Europe » d’avoir interdit à Papandréou de faire appel au peuple par le referendum. Mais il faut rappeler que ce referendum était dans l’esprit du désormais ex-Premier ministre grec moins un « appel au peuple » qu’un coup politique de la dernière chance pour tenter de sauver sa majorité. Le fait que ce coup politique puisse avoir de graves effets sur les autres Etats européens, qui avaient apporté leur aide à la Grèce, permet — me semble-t-il — d’expliquer et de justifier les « aimables conseils » des chefs de ces autres Etats.  Il ne s’agit pas en l’espèce d’une pression des marchés, mais d’une pression des autres démocraties dans un espace européen institutionnel commun. Où est le mal ? J’ajoute qu’il y aurait une certaine ironie de l’histoire à voir les marchés ait souhaité déboulonner le très libéral Berlusconi, longtemps considéré comme le plus beau fleuron du capitalisme financier.
            3) Enfin, il y a un « très » léger simplisme dans l’analyse qui consiste à opposer marché et peuple comme deux figures adverses. A vrai dire, ni les uns ni l’autre ne sont des entités repérables. Il n’y a pas, d’un côté, les méchants hommes d’affaire planqués dans leurs buildings de verre ; ni, de l’autre, le bon peuple travailleur et innocent. Cette logique complotiste ne fait pas droit à la complexité de la situation. Le marché comme le peuple sont des processus et non des entités. D’un côté, on a un processus complexe de création de valeur, dont une partie (financière) tend à échapper à toute espèce de maîtrise, quand bien même il y a à sa base des fonds de pension rassemblant les économies de gens du peuple bien réels ; d’un autre côté, on a un processus tout aussi complexe de création de volonté générale (élection, délibération, décision, élection, …), qui suppose de se garder de deux dangers : la technocratie (ou le mépris du peuple) et la démagogie (ou l’idolâtrie du peuple). Le grand défi actuel est de faire en sorte que le second processus (démocratique) garde la main sur le premier (capitaliste) dans un contexte de mondialisation où bien des pays, impatients de mettre en œuvre le premier pour entrer dans la prospérité, négligent, pour le moment, le second. De ce point de vue, nous ne sommes pas prêts de sortir de la mondialisation ! 

mardi 15 novembre 2011

Un week end en Hollande !


François Hollande a passé un sale WE : Babar pour la droite ; atomisateur pour les verts ; pilote d’un rétro-pédalo pour le front de gauche …  Cette série de provocations a vocation à le faire sortir de ses gonds et à l’obliger à s’exposer alors même qu’il tente de s’installer dans une durée plus sereine. Il vise le silence après la surexposition médiatique des primaires ; il tente de lancer le travail sur le projet (vite des idées !) ; il se méfie de s’user trop vite …  Tel est le dilemme du candidat en campagne avant la vraie campagne : être là toujours sans être là trop tôt. Cette présence-absence (et le « flottement » sur-commenté) va être encore délicate à conduire pour lui pendant quelques semaines.
A droite, la ligne est claire : le président travaille et n’a pas le temps de s’amuser à être un pré-candidat, même si on sent (après le discours sur la protection sociale que ça se rapproche !) ; et les lieutenants jouent les « portes-flingue ». De ce point de vue, l’image du Babar n’est pas du meilleur goût, même si elle est efficace. Quand nos élus cesseront-ils de céder à la tentation des bons mots ? Pas sûr du tout que ce soit efficace (au-delà de tout jugement moral sur la chose) dans le contexte d'une crise aiguë. Cela ne convainc que ses propres partisans ; exaspère ses adversaires (qui vont se creuser la tête pour rendre la pareille) ; et désole tous les autres : c’est une contribution supplémentaire, hélas, à la dévalorisation du rôle des politiques, qui se mettent à imiter les guignols de l’info, censés pourtant les imiter. Pourquoi s’acharnent-ils donc à scier la branche sur laquelle ils sont assis sur la tête … ? Et, en plus, le ciel risque de leur tomber dessus, si la perspective d'une présidentielle entre Babar et Astérix se confirme ! Vive la politique !

lundi 14 novembre 2011

Qui doit gouverner en démocratie ?

par P.-H. Tavoillot

On sait ce qu’est la démocratie : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Mais la question de savoir « qui est le peuple ? » reste une énigme, qui est au cœur des grands défis du présent. Le latin rend mieux la difficulté : le peuple est-ce le populus ou le plebs ?
            Le Populus c’est l’ensemble de la communauté nationale, considéré d’un point de vue idéal : la sagesse collective, l’intérêt commun, ou ce que Rousseau appelait la « volonté générale », c’est-à-dire non pas la somme des volontés particulières, mais une seule et même raison collective. C’est là sans doute une belle idée, mais bien abstraite et surtout difficile à incarner dans des institutions.
            Le Plebs, en revanche, c’est la populace, la masse, les gueux, avec ce que cela connote d’ignorance, d’égoïsme, de versatilité, voire de violence. C’est une image menaçante, mais c’est aussi la source de l’énergie, le cœur de l’action, la réalité vivante et historique d’un pays.
            La démocratie s’installe sur cette ambiguïté d’un peuple à la fois héroïque et diabolique, avec d’emblée une double tentation politique : d’un côté, la technocratie, ou l’idée qu’il faut des élites pour guider le vilain plebs vers le beau populus ; de l’autre, la démagogie ou le populisme, à savoir l’identification du populus élitiste au plebs charnel.
            La démocratie balance entre ces deux défauts sans jamais parvenir au bon équilibre ce qui alimente son incessante critique (c’est « le pire des régimes à l’exception de tous les autres ») et la continuelle déception à son égard. Regardez l’Europe et sa crise gravissime : c’est le résultat d’un triomphe de la technocratie par défaut de peuple. Et le grand défi à venir sera de parvenir à créer le peuple (demos) et le pouvoir (cratos) européens en même temps … et, qui plus est, très vite ! Regardez, d’autre part, notre campagne électorale : à peine commencée, elle est guidée par les « rêves éveillés » d’adolescents attardés en mal de super-héros qui aspirent à « démondialiser », à faire disparaître les agences de notation, à abolir la finance et à mâter les banques. Bref tous ceux qui, loin des responsabilités, oublient qu’« après une campagne en vers, il faudra gouverner en prose », comme disait un ancien maire de New York, Mario Cuomo.
Contre ces deux dérives, il faudrait parvenir à se convaincre que le peuple de la démocratie n’est pas une figure idéale (Populus ou plebs) qu’un politicien devrait incarner pour gouverner ; mais qu’il désigne d’abord et avant tout une méthode de gouvernement. C’est cette méthode que l’élu doit savoir représenter. Sur le papier, elle est simple et limpide : elle exige 1) de délibérer publiquement ; 2) de décider politiquement ; 3) de rendre des comptes électoralement. Mais dans les faits elle est très complexe à mettre en œuvre, surtout pour ce qui est de la décision politique soumise à une contestation hyperbolique. Le politicien est en effet la cible de toutes les détestations, même paradoxales : il est perçu comme un puissant incapable, un corrompu surpayé, un démagogue méprisant, un gesticulateur frileux … A quoi il faut ajouter qu’il opère dans un contexte où les contraintes politiques, économiques et environnementales dépassent le cadre de l’Etat-Nation ; et où la technicité des dossiers atteint une ampleur inégalée. Bref, l’ensemble de ces facteurs rend l’exercice du pouvoir démocratique, contesté à l’intérieur et contraint à l’extérieur, extraordinairement difficile.
C’est cette extrême difficulté que le citoyen doit désormais intégrer lorsqu’il répond pour lui-même en votant à la question « qui doit gouverner ? ». Il doit veiller à ce que son indignation spontanée contre le pouvoir ne mette pas en péril l’exercice même du gouvernement. Faute de quoi, il risquerait de jeter le demos avec l’eau du cratos.


--> Le débat se poursuit sur France 3, mardi 15 novembre : Ce soir (ou Jamais !) ; puis au Collège de Philosophie, Samedi 19 novembre 2011 (Sorbonne Amphi Michelet), 14h-17h avec Marcel Gauchet et Eric Deschavanne ; et sur France Culture, le lundi 21 novembre 2011, en direct à partir de 10h45.

mercredi 9 novembre 2011

Un peu de médias !

Voir L'Express (9/15 nov. 2011) : Qui doit gouverner en démocratie ? 
et
Revue de presse France inter 9/11/2011 :
http://www.franceinter.fr/emission-revue-de-presse-la-revue-de-presse-091111
et

www.vielocale-viepublique.fr

mardi 1 novembre 2011

Les idéologies après la fin des idéologies

Cet article paru dans les Cahiers Français, n° 364, septembre/octobre 2011,

Les idéologies après la fin des idéologies

Après avoir décliné les trois registres de signification auquel renvoie le mot « idéologie », en insistant sur l’acception qui en fait un succédané terrestre des promesses eschatologiques, Pierre-Henri Tavoillot rappelle combien – et à partir de quels ressorts – le XXe siècle s’est montré « consommateur » de ces formes de pensée. Si dès les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale plusieurs auteurs ont pointé la mort des idéologies entendues comme des systèmes totalisants, l’après 1989 a vu naître un discours selon lequel le triomphe de la démocratie libérale de marché marquerait la fin de l’histoire. Ce scénario, et il en va de même pour celui annonçant un soi-disant retour du religieux, pâtit d’une analyse erronée. L’écologie ou encore l’« indignationnisme » peuvent-ils alors en revanche s’affirmer pleinement comme de nouvelles idéologies ? Il semblerait que non, et dans cet échec à ressusciter l’ampleur des mobilisations d’antan on peut voir un progrès des facultés critiques des démocraties.